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Signé Cap-Haïtien

Alexis Dupuy (Charles Dupuy)

Qui a connu une vie plus tumultueuse, plus mouvementée que celle d’Alexis Dupuy, ce simple soldat de l’Armée indigène devenu secrétaire de Dessalines, puis officier d’état-major et puis enfin signataire de l’Acte de l’Indépendance d’Haïti. Sa fulgurante ascension commence quand, alors qu’il jouait paisiblement aux dés avec ses camarades de la 4ème demi-brigade, il fut mandé par le général en chef Dessalines. C’était juste après la victoire de Vertières et le commodore britannique Loring qui bloquait alors l’entrée du port du Cap-Français, avait envoyé plusieurs missives au général Dessalines lesquelles étaient restées sans réponse. Et pour cause. Ces dépêches de la plus haute importance, aucun officier de l’état-major n’était capable de les déchiffrer, la raison étant que personne dans l’armée de Dessalines ne pouvait lire ou encore moins écrire l’anglais. C’est alors que quelqu’un révéla au général qu’un certain soldat de la 4ème demi-brigade, un dénommé Alexis Dupuy savait très bien parler l’anglais. Comme on s’en doute, Dessalines le fit quérir aussitôt.

En apprenant qu’il était convoqué par Dessalines lui-même, «le jeune homme fut au désespoir, nous apprend Madiou, il crut que le général en chef voulait le faire fusiller. Il fait ses adieux à ses camarades en leur disant qu’il avait toujours été un bon soldat et qu’il ne concevait pas quel pouvait être son crime. Dessalines lui présenta lui-même les lettres de Loring qu’il traduisit. Le commodore anglais priait le général en chef des Indigènes de lui envoyer des pilotes pour qu’il pût entrer dans la rade du Cap, capturer les vaisseaux français et les arrimer.» Après avoir traduit la missive du commodore, Dupuy présenta les armes et s’apprêtait à retourner à son poste quand, toujours selon Madiou, «le général en chef lui dit laisse-là ton fusil; tu es un de mes secrétaires et en outre attaché à mon état-major comme officier » (La capitulation du Cap, p.22)

Nommé capitaine, sa connaissance de l’anglais conduira Dupuy à devenir rien moins que général des armées indigènes. Qui était donc ce simple soldat assez instruit pour être le seul homme capable de lire et d’écrire l’anglais dans l’armée de Dessalines? On savait seulement qu’il était né vers 1770, qu’il était le fils d’un capitaine qui l’avait envoyé faire ses études en Europe. Il avait donc beaucoup voyagé, avait roulé sa bosse et fait un moment partie d’une troupe de soldats connue sous le nom de troupe de Jourdain. En fait, rien de particulier ne trahit les origines de cet homme sinon que cette connaissance de l’anglais dont il avait la parfaite maîtrise ce qui nous laisse supposer qu’il avait longuement séjourné en Angleterre ou aux États-Unis.

Dans les premiers jours de l’indépendance, nous retrouvons Dupuy à Marchand, la nouvelle capitale. Secrétaire de Dessalines, il côtoie de près les plus hautes autorités de son gouvernement. Au moment de l’assassinat de Dessalines, Dupuy est à ses côtés sur le Pont-Rouge. Il est aussitôt fait prisonnier par les insurgés qui le destinaient au poteau d'exécution, et qui l’auraient sans nul doute fusillé tout comme Boisrond-Tonnerre sans l’opportune intervention de la toute puissante Joute Lachennais. Cette dernière qui était à l'époque la compagne de Pétion, intercéda en faveur de Dupuy dont elle avait été la maîtresse quelques années auparavant. Elle exigea que son ancien amant soit immédiatement libéré et protégea sa fuite vers le Nord où il alla se réfugier auprès de Christophe.

Christophe s’empresse d’attacher Dupuy à son service et le fera baron en 1811. Anobli, il prend pour devise «Vérité sans crainte». Nommé secrétaire-interprète du roi, il sera appelé à dispenser ses services chaque fois que ses connaissances de la langue anglaise le justifiaient. C’est lui, par exemple, qui sera désigné pour aller accueillir les deux demoiselles de Philadelphie que Christophe avait engagées comme gouvernantes de ses filles. Dupuy accompagnera donc les Américaines de leur descente du bateau jusqu’aux salons de Sans-Souci où, le matin même, elles rencontraient les filles du roi et, peu après, le roi lui-même. Comme on sait, ces demoiselles de Philadelphie ne séjourneront pas longtemps en Haïti, atteinte du mal du pays sans doute, elles voudront bientôt retourner chez elles tout en gardant, comme elles l’affirmaient, le meilleur souvenir de leur bref passage au pays.

Nommé vice-président de la Chambre royale de l’Instruction publique, Alexis Dupuy occupera de très hautes fonctions dans le gouvernement royal et se trouvera parmi les derniers fidèles de Christophe au moment de sa chute et sera même présent à ses côtés dans un Sans-Souci déserté au moment de son suicide survenu le 8 octobre 1820, vers les huit heures du soir. «Prézeau et Dupuy n’avaient pas quitté le palais nous dit Vergniaud Leconte; Christophe avait fait dire à ce dernier: Sauvez-vous, mon temps est fini. Ces deux fidèles amis, joint au chevalier de Sévère et à d’autres que l’on n’a pas nommés, entreprirent de suivre les restes du Roi à la Citadelle où l’on eut l’heureuse idée de les transporter […] Christophe avait 53 ans.» (Henri Christophe dans l’histoire d’Haïti, p.425)

Après la chute du roi, Boyer fit retirer de la citadelle un trésor pouvant s’élever à quelque vingt millions de thalers espagnols. Si les estimations divergent quant aux montants entassés par Christophe, on peut se fier toutefois à la parole de Dupuy qui, nommé président de la Cour des comptes du royaume en 1819, affirmait avec certitude qu’il y en avait pour soixante millions à la Citadelle.

Général de brigade, Alexis Dupuy recevra l’ordre de lever la marche contre la partie de l’Est lors de l’invasion de l’actuelle République dominicaine que Boyer gardera pendant 25 ans sous sa domination. Quelle ascension vertigineuse que celle du citoyen Alexis Dupuy, ce simple soldat de l’Armée indigène devenu général, et puis baron et puis haut fonctionnaire, tout cela parce qu’il savait lire et écrire dans la langue de Shakespeare, et peut-être aussi parce qu’il était honnête, fidèle en amitié et bon serviteur de l’État. C’est dans sa bonne ville du Cap, après une vie aventureuse, droite et bien remplie, que tout paisiblement, s’éteignit le vieux baron.

Note: En Haïti, tous les Dupuy sont les descendants de cet Alexis Dupuy dont vous venez de lire la biographie. Vieille famille aux souches capoises bien enracinées, les Dupuy sont aujourd’hui disséminés un peu partout à travers le pays… et à l’étranger.

Source Charles Dupuy

Références :

1. Madiou, Thomas, fils. La capitulation du Cap. In (1803). Épisode de L'Histoire D'Haïti. Extrait d'un ouvrage inédit, p.22.

2. Leconte, Vergniaud. Henri Christophe dans l’histoire d’Haïti, Paris, Éditions Berger-Levrault, 1931. p.425

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