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Musique

O’Firmin Savaille : un militaire passionné de musique

O’Firmin Savaille est né à Jacmel le 21 novembre 1902. Il fit ses études primaires dans sa ville natale et poursuivit jusqu’au Baccalauréat au Lycée Pinchinat. Une fois, ses études terminées, O’Firmin Savaille s’enrôla dans l'armée et, doué pour la musique qui était, dès sa plus tendre enfance, sa passion, il intègre la fanfare de l’armée.

Jacmel était une ville réputée pour ses musiciens classiques. Ainsi, lorsque le Palais National dû renouveler ses musiciens, c’est naturellement vers Jacmel que Montrevel Beliot, responsable qui avait succédé à Occide Jeanty en 1917 à la tête de la Fanfare du Palais national, va se trourner pour embaucher de nouveaux talents. Il y recruta O’Firmin Savaille. Rapidement, Savaille est intégré dans l’orchestre du Palais national où, de 1932 -1945, il performe avec brio, comme soliste. Ancien élève de Occide Jeanty en 1922, il est diplômé en harmonie, en 1939, sous la direction du professeur Werner Jaegerhuber. D’une discipline à toute épreuve dans tous les aspects de sa vie, son amour pour la musique fit connaître à O’Firmin Savaille des succès spectaculaires dans sa carrière musicale. Sa carrière militaire avançait tout aussi bien. Il franchit rapidement les différents grades jusqu’à être promu capitaine par le Président Paul-Eugène Magloire.

Le transfert au Cap-Haïtien

C’est donc sans surprise qu’en 1945, O’Firmin Savaille, en remplacement du lieutenant Gué, est nommé au Cap-Haïtien, chef de la musique militaire du Département du Nord. Il allait y diriger la fanfare Henry Christophe de 1946 à 1959. Une fois au Cap-Haïtien, La famille Savaille s'installe à la rue 16-G, dans une maison qui était adossée à la Cathédrale Notre-Dame.


Laissons sa fille Solange Savaille-Jean-Louis (voir Note) nous raconter comment l’arrivée au Cap va transformer la vie familiale des Savaille :

Transféré au Cap-Haïtien, mon père fut instantanément nommé Directeur de la fanfare de la caserne Henry-Christophe de cette ville (1946-1959). Son amour pour cette ville alla en grandissant au point où il décida de s’y établir définitivement, après sa retraite. Mon père, avec la fanfare sous sa direction, firent goûter aux mélomanes capois les charmes délicieux d’autant de musiques classiques européennes, qu’haïtiennes, en plus des musiques folkloriques et populaires de notre terroir, aux concerts du Dimanche et jeudi soir sur la Place d’Armes. La fanfare, bien entendu, animait ou plus précisément menait tous les défilés officiels dans les rues de la ville et ce, à peu près 2 décennies. Le capitaine Savaille était très connu et surtout apprécié par les Capois pour ses remarquables prestations musicales sur la Place d’Armes, plus communément appelée Place Notre-Dame, rendez-vous des passionnés de musique et des amants. Dans diverses occasions par exemple, aux journées de fêtes nationales, mes parents recevaient; ma mère çà et là, inspectait et donnait un coup d’œil approbateur aux tables recouvertes de belles nappes blanches, brodées , où reposaient divers plats apprêtés avec amour, et en guise de dessert, mon père offrait aux dignitaires de la ville et à quelques amis proches d’exquises exécutions musicales tirées de son répertoire ou une marche militaire d’Occide Jeanty, concert fort apprécié des convives qui, soulevait des tonnerres d’applaudissements. C’était pour lui la vie idéale.

O’Firmin Savaille, musicien et compositeur

Ainsi, pendant 2 décennies, sous la direction du maestro O’Firmin Savaille, la fanfare animait (pour ne pas dire menait tous les défilés officiels dans les rues de la ville.

Dans ces années 1950 et 1960, O'Firmin Savaille fut le chef très apprécié de la fanfare des casernes Henry-Christophe du Cap. Lors des concerts du dimanche et parfois du jeudi sur la Place d'Armes, O'Firmin Savaille et cette fanfare de l'armée qu'il dirigeait sûrent faire apprécier aux Capois tant les pièces de musique classique européenne qu’haïtienne, en plus des pièces de musique folklorique et populaire. Les mélomanes avaient aussi parfois la chance d’entendre les compositions du maestro. O’Firmin Savaille avait composé un recueil de poèmes intitulé À l'ombre des casernes dont est extrait l’Hymne à la citadelle que nous vous présentons ci-dessous. Le Cap aimait O’Firmin Savaille qui le lui rendait bien.

Marie-Thérèse Méhu, dans Comme j’ai vécu : souvenirs d’antan (1), en témoigne :

… Comme nous habitions assez proche de la Place Notre-Dame, je pouvais entendre la musique dès que l’orchestre commençait les exercices de répétitions qui précédaient l’ouverture du concert. À ce moment, ma sœur et moi nous sautions de joie à l’anticipation des plaisirs à venir. Habillées de jolies robes brodées par l’une de mes tantes, les cheveux enrubannés, nous tenions fermement la main de ma grand-mère qui nous accompagnait aux concerts du dimanche soir. Si jeune, je ne pouvais pas apprécier la justesse des notes qui s’échappaient des instruments, j’étais plutôt préoccupée à courir à toutes jambes après les jeunes de mon âge, à ramasser des cailloux ou à jouer à cache-cache. La Place était remplie d’enfants qui prenaient leurs ébats sous l’œil vigilant des parents qui préféraient le confort des bancs en ciment et s’enquéraient des dernières nouvelles circulant dans la ville, c’est-à-dire des récents « tripotages ».

Le concert débutait à sept heures du soir. À ce moment assis en rang à l’intérieur du kiosque, les musiciens sur le signal du maestro commencèrent à offrir au public des morceaux de leur riche répertoire, sous les applaudissements d’un auditoire captif et heureux. J’ai un doux souvenir des rythmes cadencés de O’Firmin Savaille, Hilarion Toussaint et Léonville Gédéon ; ces derniers nous ont laissé un patrimoine musical important…

Ces concerts étaient un rendez-vous pour tous les Capois, « amants de la musique et amants tout court ». Dans d’autres occasions, par exemple, lors des fêtes nationales, O'Firmin Savaille offrait, à domicile, aux dignitaires de la ville du Cap-Haïtien, sénateurs, députés, préfet, Maire, des morceaux de musique tirés de ses compositions ou une marche militaire tirée des oeuvres d'Occide Jeanty.

À titre de compositeur, O’Firmin Savaille écrivait ses partitions à partir de son instrument préféré, le tuba. Il a laissé plusieurs oeuvres musicales dont les partitions sont malheureusement difficiles à trouver. Pour en citer quelques-unes : Anba tonèl, Nap aprann musik, Amba kampêch, Méthode pour apprendre à battre le gros tambour du nègre Haïtien (Assotor) ainsi que l’Hymne à la citadelle que nous reproduisons ci-dessous.

Dans son Histoire du style musical d'Haïti, le musicologue Claude Dauphin parle en ces termes de l’œuvre de Savaille : En 1947, la Société des artistes et musiciens haïtiens attribua un premier prix au sergent O’Firmin Savaille, de Jacmel aussi, pour son hymne à l’Agriculture et au Travail. Destinée aux festivités du 1er mai 1947, la marche de Savaille, intitulée Koumbit ak Travay, constitue la première composition de ce genre en langue créole, orthographiée de manière étonnamment moderne (Note 21). Tombée dans l’oubli, cette marche avait le mérite de célébrer la nature, l’environnement et l’engagement citoyen, thèmes dont on se plaît pourtant à revendiquer l’actualité. (Note 21): La mélodie et les paroles de la plupart de ces hymnes dont il est question dans ce chapitre, sont reproduites, sans leur accompagnement harmonique, dans le recueil de Constantin Dumervé intitulé Pro Patria: chants patriotiques à l’usage des écoles, Port-au-Prince, Compagnie lithographique, 1952. L'hymne de Savaille se trouve à la p. 44 de l'ouvrage de Dumervé et le commentaire s'y rapportant à la page 45.

Le départ du Cap-Haïtien

O’Firmin Savaille a adoré le Cap au point où il avait pris sa décision d’y demeurer même après sa retraite. Cependant, un évènement tragique va le forcer à partir. En effet, à l'été 1960, après le décès à Port-au-Prince de son fils aîné Edwige, agé de 19 ans, lors d’une opération, O’Firmin va retourner à Port-au-Prince avec sa femme et ses 2 filles. Toutefois, Il va poursuivre sa carrière. De 1964 à 1967, O’Firmin Savaille est le directeur des centres musicaux institués par le mouvement communautaire de l’Hopital Albert Schweitzer à Deschapelles.

Toutefois, jusqu'à son décès, le 18 novembre 1978, le capitaine O’Firmin Savaille ne devait jamais plus revoir le Cap-Haïtien.

Hymne à la Citadelle

Paroles et musique de O’Firmin Savaille, Chef de la Fanfare de l'Armée d'Haïti au Cap-Haïtien.

I.

Connaissez-vous la Citadelle Cette merveille d'Haïti?
Voyez du haut de la tourelle
La Cap, cette ville d'Henri.
Avec ses poèmes de pierre
Monuments d'amour de grandeur
Élevés comme des lumières
Éclairant son passé d'honneur.

Refrain

II.

Visitez notre Citadelle
Digne de l'admiration
C'est l'orgueil, la gloire immortelle
Des titans de la Nation
On peut en passant voir encore
Le Palais royal de Milot
L'église que l'Ange décore
Auquel on doit dire «A bientôt».

Refrain

III.

Avez-vous vu la Citadelle
Il faut toujours la visiter
C'est son charme qui nous appelle
Et nous invite à la chanter.
Gloire, Respect, Honneur à Christophe
Le monarque, le bâtisseur.
Que nous chantons dans cette strophe
Lui, le grand Civilisateur.


NOTE

Solange est la benjamine de trois enfants du couple O’Firmin et Elizabeth (née Degraff) Savaille : Yolande, Edwige et Solange. Cette dernière est la seule de 3 enfants encore vivante, Yolande et Edwige étant décédés.

Compilation Tet Ansanm pou Okap avec la collaboration de Solange Savaille-Jean-Louis, Roland Menuau, Marc Sévère et Claude Dauphin.

RÉFÉRENCES

1. Marie-Thérèse Méhu. . Comme j’ai vécu : souvenirs d’antan.

2. (Note 21): La mélodie et les paroles de la plupart de ces hymnes dont il est question dans ce chapitre, sont reproduites, sans leur accompagnement harmonique, dans le recueil de Constantin Dumervé intitulé Pro Patria: chants patriotiques à l’usage des écoles, Port-au-Prince, Compagnie lithographique, 1952. L'hymne de Savaille se trouve à la p. 44 de l'ouvrage de Dumervé et le commentaire s'y rapportant à la page 45.

3. Claude Dauphin, Histoire du style musical d'Haïti. Montréal, Éditions Mémoire d’encrier, 2014, 372 pages. p. 217-218.

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