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Administration municipale

In Memoriam : Une belle figure capoise (Joseph L. Prevost)

In Memoriam : Une belle figure capoise

Par Joseph L. PREVOST

«Être méconnu même par ceux qu'on aime, c'est la vraie croix. C'est ce qui met sur les lèvres des hommes supérieurs ce sourire ironique, et triste; c'est la plus poignante amertume de ceux qui se dévouent. » (Daniel AMIEL)

Les temps suivent et ne se ressemblent pas. Voilà que le Cap Haïtien, l'ancien Paris de Saint-Domingue, la fière Cité christophienne, dépositaire des nobles idéaux de grandeur et de prestige, connaît aujourd'hui un visage différent. L'amour du sol natal, le zèle patriotique, le sentiment régionaliste et l'ardeur nationaliste qui unissaient les capois de toutes les couches sociales à la poursuite d'un même idéal sont jetés dans la poussière de l’oubli.

Les traits charmants de son épopée qui asseyaient sa renommée hors de ses frontières sont balayés par certains de ceux qui sont venus l'habiter. Qu'ils sachent cependant pour répéter avec l'auteur de «Ma Ville, mon Pays» que c'est là encore le vrai Cap-Haïtien, qu'on ne vienne pas insulter à sa misère. Son passé était auréolé de gloire et d'honneur grâce à certains de ses fils tels que le champion de l’Égalité des races humaines, Anténor Firmin, Demesvar Délorme, Oswald Durand, Rosalvo Bobo, Louis Mercier, Luc Grimard, Christian Werleigh, le Pasteur Auguste Albert, Massillon Gaspard, Guy Dugué, Albert Béliard, Villardouin Leconte, Léonce B. Prévost etc. pour ne citer que les disparus.

Pourtant, il en existe d'autres dont les noms comme ces disparus plus haut cités, devraient être écrits en lettres de feu, avec l'encre de sang, sur les tablettes de l'histoire de notre Métropole, nos places publiques, sur nos pylônes électriques, sur le dôme de notre majestueuse Cathédrale, pour apprendre à l'actuelle jeunesse capoise à les connaître, à les aimer et les apprécier à leur juste valeur. De cette lignée, il me vient à la pensée un Homme, un grand Haïtien, un capois authentique, un chevalier sans peur et sans reproche. Je veux parler de Monsieur Louis ANDRÉ communément appelé «Frè Louis» jouissant tranquillement de sa retraite dans sa modeste maison sise à la Rue Espagnole entre 10 & 11.

Il reçut le jour dans notre bonne ville du Cap-Haïtien, cette vieille cité christophienne si chargée d'histoires, le quinze avril 1892 à l'angle Nord-est des Rues Saint-Louis et Taranne; des relations intimes de la citoyenne Adeline ANDRÉ, l'époque de l'illusion héroïque, l'époque des salons dont le Docteur Marc PÉAN, «Prix Deschamps 77» a écrit dans son livre 25 ANS DE VIE CAPOISE ou le troisième âge d'or du Cap-Haïtien. Enfant, les premières notions du patriotisme lui furent révélées par son grand-père, le général Morency ANDRÉ. En 1896, il entra chez les Frères de l'instruction chrétienne de sa ville natale, c'était là, une faveur accordée à sa famille, puisqu'à cette époque ce n'était pas sans peine qu'on parvenait à placer un enfant dans cet établissement primaire supérieur, et ce jusqu'à son brevet supérieur, puis il entra au Lycée National Philippe Guerrier alors dirigé par Me Augustin GUILLAUME une belle figure de notre ancienne société. Après qu'il eut laissé les classes, il embrassa la carrière sacerdotale et épineuse "L'Enseignement" et suivant une vieille tradition capoise remontée au royaume du Nord, il choisit aussi une profession manuelle, il se fit tour à tour horloger et opticien.

Dans les années 1927 - 1928, il fut nommé Directeur de l'École Nationale Augustin Guillaume, il y resta jusqu'en septembre 1936, époque à laquelle il se porta candidat aux élections municipales de septembre 1936, il fut alors élu Magistrat Communal du Cap-Haïtien avec comme membres Marc Pierre-Louis et Alcide Narcisse. La Mairie capoise se situait lors à la rue 5 Espagnole, maison à étage qu'habite actuellement la famille Edmond Guillaume. Le nouveau Magistrat s'est mis sérieusement à la tâche. Dès octobre 1936, il ouvrit la première école rurale de Labadie dépendant de la première section rurale du Cap-Haïtien et accorda des subventions à toutes les écoles privées de la ville et au profit des familles nécessiteuses, ii créa un fond de secours et en mai 1937, il organisa la première Foire agricole au Marché Cluny du Cap-Haïtien transformé en un véritable salon et le 18 mai de la même année à l'occasion de la fête nationale du Drapeau et de l'Université, la commune distribuait des drapeaux dans toutes les écoles de la ville.

A l'instar du Monarque bâtisseur et civilisateur, Frè Louis André s'est lui aussi révélé un Magistrat bâtisseur. Il comprit qu'il devait se mettre au service de sa ville natale et quel qu’en soit la hauteur et la petitesse d'un individu, il peut lui aussi apporter sa pierre à la construction de l'édifice. Aidé du Président Sténio Vincent, il jeta les bases d'une Maison Populaire d'Éducation dénommée «Fondation Vincent» pour l'inauguration, le Président Sténio Vincent, accompagné de l'Archevêque de Port-au-Prince, Monseigneur Le Gouaze et du Nonce Apostolique, assistait à la bénédiction du nouveau bâtiment, école qui faisait honneur à la Métropole, avec des professeurs émérites bien pétris tels que Me Waldeck Georges, Josaphat Dassas, Julien Lauture, Joseph Latortue etc., élèves aussi bien formés devenus dans la suite des espoirs et des fiertés de la ville.

Cette école hélas remise aux Frères Salésiens est affectée ces jours-ci à une autre fin, donc aucun espoir pour les petits compatriotes qui courent après les touristes. Les déshérités du sort, eux aussi ne sont pas oubliés. Il inaugura en 1940, l'Asile Communal situé à quelques mètres du Cap-Haïtien. Comme pour la Fondation Vincent, le Président Vincent tenait à rehausser par sa présence l'éclat de la fête, exalté il s'était écrié : « Magistrat André, Compliments, vous avez bâti un Palais pour les pauvres ».

Deux mois plus tard, le Président Sténio Vincent le nomma Ministre des Travaux Publics, il refusa cet honneur, son rêve était que le Cap-Haïtien, sa ville natale, redevient Paris de Saint-Domingue ou le Cap-Henri. Il ne resta pas inactif. Il voulut créer un centre de loisir, pour ce faire, avec l'autorisation spéciale du Président Vincent, il fit balayer le Quartier populeux du Carénage, dédommagea les propriétaires et fonda le Parc Vincent, l'un des plus beaux de la République, aujourd'hui livré à la merci des vents et des flots.

Comme dit la chanson, en ce temps-là, la vie était plus belle. Les anciens de la Rome antique par la bouche de Virgile l'avaient bien affirmé quand ils disaient « Nil volitum, nisi praecognitum » ce que Bourget traduit en style bien comique : « On ne veut sincèrement que ceux que l'on connaît bien ». Jamais phrase, en vérité, ne s'est appliquée avec tant de justesse dans notre thèse de mémoire à l'endroit de celui que les capois vénèrent le passage à la tête de notre Mairie.

Après le Parc Vincent, il n'a pas déposé la truelle. Écoutez, dans un entrefilet, les Annales capoises, Doyen des journaux du Cap-Haïtien et de la Province, rue 23-E, ayant pour Directeur Me Carmilius Bissainthe, père de notre ami Roger Bissainthe, dans son édition du vendredi 31 décembre 1943, en première page : «La postérité rendra un bel hommage au distingué Magistrat, M. Louis ANDRE, pour avoir pris toutes mesures financières, en vue de faire du Local de l'Hôtel de ville, la propriété exclusive de la commune du Cap-Haïtien». En effet, la propriété logeant notre actuel Hôtel de Ville y avait des maisons bâties, appartenant aux sieurs Loulou Manigat, Mme Dubé, M. Charles Javeau et Me Edmond Guillaume.

Après entente convenue entre les parties, la Commission Communale transféra Me Edmond Guillaume à l'ancienne Mairie de la rue 5-L, Monsieur Javeau à la rue 21-J etc., tous furent satisfaits puis à tête reposée, restaura ce magnifique Palais, notre actuel Hôtel de Ville monumental et majestueux. Il continua à diriger les destinées de la commune du Cap-Haïtien jusqu'à l'avènement de l'illustre Dumarsais Estimé à la suprême Magistrature de l'État et ce dernier a fait de lui son premier Préfet. Il n'y fit pas long feu.

Aux élections municipales de l'année 1954, les capois reconnaissants se souvenant des services rendus par ce grand citoyen à la Cité bien-aimée le portent à se déclarer candidat. Il fut en effet élu. Le Cap- Haïtien reprend sa splendeur d’antan. À cette époque transformée, un touriste jamaïcain de passage au Cap-Haïtien, émerveillé de la propreté qui régnait dans tous les coins et recoins de la cité historique et touristique, se présenta à l'Hôtel de Ville pour faire la connaissance de ses Édiles, il leur fit comprendre sans flatterie aucune que le Cap-Haïtien était la ville la plus propre des Antilles. (Puisé dans le journal L'indépendant, édition lundi 11 avril 1955).

Depuis sa prime enfance, Monsieur Louis André parait-il, fut firministe, il voyait lui aussi en Firmin, l'homme le mieux préparé par son grand esprit de savoir et d'honnêteté, qui faisait école à travers le Pays tout entier, alors pour perpétuer la mémoire de ce grand citoyen capois, il créa l’Institut Anténor Firmin doté d'une magnifique bibliothèque ce, pour aider la jeunesse capoise à mieux aimer son pays et connaître les écrivains haïtiens, il se situait au rez-de-chaussée de la maison même de l'illustre Anténor Firmin, il fit aussi don à la localité de Limonade, d'un magnifique buste de Capois La Mort, héros de Vertières et grand ouvrier de la Guerre de l'Indépendance, il est allé le placer lui-même dans l'endroit communément appelé "Nan fossé" en souvenir du passage du Héros dans cette localité. Honneur et Gloire.

A la fin de l'année 1947, il fut nommé par toutes les loges d'Haïti Grand Maitre, le premier homme de la province à pouvoir occuper cette haute et délicate fonction, il a aussi fait don aux trois loges du Cap-Haïtien, d'une magnifique bibliothèque maçonnique dont le siège est à la Loge l'Humanité.

Extrait du journal, Le Septentrion, lundi 28 avril 1980, p. 2-3

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