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Histoire

À propos du Cap (Marie-Thérèse Méhu)

Médéric-Louis-Elie Moreau de Saint-Rémy dans sa description de la Partie Française de l’Isle de Saint-Domingue présente le Nord de la colonie comme la plus importante des possessions de la France, par les richesses qu’elle procure à la Métropole. A cause de son climat, la nature de son sol et sa position géographique, le Nord possède des avantages sur le reste du pays. Le Cap-Français, chef-lieu de la région reçoit plus de bâtiments et les denrées y sont avantageusement vendues.

La partie Nord possède à elle seule, selon Saint-Rémy, 288 sucreries, 443 indigoteries, 66 cotonneries, 2009 caféteries, 46 « guildiveries », 19 briqueteries, 6 tanneries, 125 fours à chaux 11 poteries, 7 cacaoyères. En ce qui concerne les animaux domestiques on recense 15 mille chevaux, 24 mille mulets et 88 mille autres bestiaux tels que bœufs, moutons, chèvres et porcs.

En 1670, toujours selon Saint-Rémy, lorsque les Flibustiers et les Boucaniers jetèrent les fondations d’un premier établissement dans la plaine du Nord, ce ne fut pas au lieu où se trouve la ville du Cap actuellement. En effet, les douze premiers Français qui vinrent de La Tortue pour cultiver la Plaine s’installèrent d’abord à la Petite Anse. Peu à peu, ils s’avancèrent vers le Morne du Cap qui reçut le nom de Gros Cap de la Petite Anse, divisé en deux zones : Haut et Bas du Cap, selon qu’ils étaient plus ou moins éloignés du rivage.

En 1691, les Espagnols durant leurs incursions dans la partie Nord mirent à feu le Haut et le Bas du Cap ; une nouvelle invasion en 1695 par les Anglais et les Espagnols acheva la destruction de la ville. Ainsi, les Français décidèrent d’accorder la préférence plutôt au Bas du Cap pour la reconstruction d’un établissement solide et durable, doté d’une garnison militaire ; en 1705 une milice fut incorporée pour ajouter plus de protection à la ville. En 1688, la milice du Bas du Cap compte 130 hommes, en 1696, 220 hommes, vers 1710 la milice compte trois régiments d’infanterie et un de cavalerie et en 1788, elle est au nombre de 1600 hommes. Ainsi la ville du Cap-Français devint un lieu de grande importance non seulement du point de vue militaire mais aussi administratif et ecclésiastique, aussi un lieu de réjouissances avec des salles de théâtre. On y trouve également une chambre d’Agriculture et de Commerce ainsi que des médecins, des chirurgiens et des apothicaires.

Moreau de Saint-Rémy subdivise la ville en 8 sections avec des rues qui se coupent à angles droits du Septentrion au Midi et du Levant au Couchant. Les maisons sont bâties soit avec de la pierre tirée des mornes soit avec de la roche à « ravet » et recouvertes avec des ardoises d’Anjou ou de tuiles de Normandie. Vers 1776, le goût des jalousies aux fenêtres et même aux portes s’est singulièrement ajouté.

Par-dessus tout, la fonction primordiale de la ville du Cap fut surtout commerciale. À la veille de la Révolution Française, les exportations monétaires vers la Métropole selon David Geggus étaient, en comptant le profit tiré de la traite des Noirs, de dix milliards soit 218 millions en sucre, café, indigo et peaux. Pour assurer la prospérité de la partie du Nord les esclaves de cette région furent durement exploités, parfois jusqu’à l’exténuation. On comprend donc la raison pour laquelle la première grande révolte en 1791 eut lieu sur l’habitation Lenormand de Mézy au Morne Rouge, proche du Cap. Ce 22 août 1791, date de la cérémonie du Bois Caïman organisée par Dutty Boukman, marque l’alliance des Bossales et des Créoles dans la lutte pour la suppression de l’esclavage et le prélude de la grande révolution qui conduira à l’indépendance d’Haïti en 1804. Le Cap-Français prend désormais, le nom de Cap-Haitien.

Reconstruit, en partie, par Christophe après sa destruction en 1802 durant la lutte pour l’indépendance, le Cap fut rebaptisé Cap-Henri et devint la capitale du Royaume du Nord. De 1807 à 1820 Christophe régna sur les départements du Nord, du Nord-Ouest, du Nord-Est et de l’Artibonite. Couronné roi en 1811 sous le nom d’Henri 1er, il nous a laissé un impressionnant héritage national : Une imposante Citadelle perchée sur le pic du Bonnet à l’Evêque destinée à défendre le Nord du pays dans le cas d’un retour des Français. Il fit construire aussi deux palais, l’un sa résidence personnelle à Milot, le palais Sans-Souci et l’autre à la Petite Rivière de l’Artibonite, le palais aux 365 portes, deux merveilleuses constructions. Il encouragea la promotion des arts et l’établissement de nombreuses écoles. Henri Christophe, bâtisseur et innovateur, créa un royaume prospère, un niveau de prospérité qui suscita l’envie du reste du pays.

Le 7 mai 1842 un séisme de 8.1 à l’échelle Richter secoua toute l’ile faisant des dégâts á plusieurs endroits : Môle Saint Nicolas, Port de Paix, Fort-Liberté, Port-au-Prince, Saint Marc, Gonaïves, la Citadelle et le palais Sans-Souci ne furent pas épargnés, mais c’est surtout la ville du Cap-Haitien qui fut la plus frappée par ce triste évènement qui la réduisit en cendres et fit plus de cinq mille morts, la moitié de la population. De ces maisons au toit d’ardoises ou de tuiles importées de France, il n’en resta que les vestiges. La Cathédrale, ce magnifique édifice, fut complètement détruite, elle ne sera entièrement restaurée qu’en 1942 sous le gouvernement d’Elie Lescot, car la reconstruction de la ville fut lente. En un clin d’œil, le pays perdit un centre économique important car par crainte d’épidémie la ville fut mise en quarantaine. Le Cap contemporain est la reproduction architecturale de l’ancien, les masures que l’on y observe aujourd’hui à travers la ville sont les stigmates qui ont survécus à ce séisme. Ce que ce tremblement de terre n’a pas pu éradiquer c’est l’attitude de résistance des Capois, elle est ancrée dans le caractère des gens du Nord. Christophe, ce patriote et rénovateur a laissé chez les Capois et les gens du Nord un sentiment de fierté et de bravoure.

Face à l’occupation américaine, les Cacos furent les premiers parmi ceux qui offrirent une guérilla soutenue contre les envahisseurs. Ayant à leur tête des chefs expérimentés tels le général Pierre Benoit Rameau ancien ministre du Dr Rosalvo Bobo, Pétion Jean-Baptiste, Antoine Morency, Charles Zamor, armés seulement de machettes, de pierres et de revolvers usagés, ces Cacos exhibèrent leur extraordinaire courage contre un ennemi mieux équipé et plus nombreux. En 1919 face à la corvée imposée aux paysans, une dernière tentative de soulèvement sous la direction de Charlemagne Péralte et Benoit Batraville connut une cuisante défaite, les Cacos furent complètement anéantis et débandés. De leur prouesse et héroïsme, il n’en restera plus que le souvenir.

Cacos de Davilmar
Charlemagne Péralte et les Cacos

Cette discipline héritée de Christophe a inspiré et inspire encore aujourd’hui chez les Capois le goût d’achèvement et de dépassement. En effet le Cap-Haitien a donné naissance à d’illustres personnages écrivains, artistes et politiciens, dont parmi les plus connus : Anténor Firmin, Demesvar Delorme, Oswald Durand, Alfred Nemours Auguste, Philomé Obin etc.

Firmin, avocat et directeur du journal Le Messager, fut un membre du Parti Libéral de Boyer Bazelais. Il participa au gouvernement de Florvil Hyppolite ; ministre des finances et des relations extérieures, il put, grâce à son habile diplomatie, écarter la demande de l’amiral américain Gherardi Bancroft pour l’établissement d’une base navale au Môle Saint-Nicolas. Anténor Firmin est aussi connu pour son livre De L’Egalite des Races Humaines qu’il écrivit en réponse au texte de l’écrivain français, Arthur de Gobineau, Essai sur L’Inégalité des Races Humaines ; mais il a laissé d’autres œuvres, non moins importantes, telles Les Lettres de Saint-Thomas et Mr Roosevelt, Président des États-Unis et Haïti.

Demesvar Delorme, ministre des Relations Extérieures, de l’Instruction Publique et des Cultes, ministre plénipotentiaire à Berlin et auprès du Saint Siege nous a laissé de nombreux écrits : Haïti et La France, Les Races Américaines, Le Système Monroe, La Misère au Sein des Richesses etc. Il eut, dit-on, l’amitié précieuse de Lamartine et des relations cordiales avec Dumas père, Victor Hugo et Michelet.

Oswald Durand est considéré comme notre barde national et le précurseur du mouvement indigéniste avec la publication de son poème Choucoune écrit entièrement en créole. Poète, journaliste et politicien, il est le fondateur du journal Les Bigailles, une publication à caractère satirique comme son nom l’indique. Il a laissé quelques œuvres patriotiques, entre autres, Epopée des Aïeux, Ces Allemands, une protestation contre les violations de notre souveraineté nationale, et surtout l’hymne présidentiel connut sous le nom de Chant National (Quand nos aïeux brisèrent leurs entraves…)

Alfred Auguste Nemours, général, historien et diplomate fit ses études militaires à l’Académie de St Cyr à Paris. Il servit comme ministre plénipotentiaire en France et auprès du Saint Siège de 1928 à 1929 ; en Haïti il occupa le rôle de sénateur de la République en 1938 et secrétaire d’Etat de l’intérieur en 1940. Délégué haïtien à la Session Ordinaire de l’Assemblée de La Ligue des Nations en 1926,1928 et 1935, il devint célèbre pour ces mots prononcés à Genève à l’occasion de l’invasion de l’Ethiopie par les troupes fascistes de Mussolini : « Craignez d’être un jour l’Ethiopie de quelqu’un. » Parmi ses œuvres on retient : Sur le choix d’une discipline : l’anglo-saxonne ou la française 1909, Histoire militaire de la guerre d’Indépendance de Saint-Domingue 1925, Princesses Créoles 1927, La Charte des Nations Unies, une étude comparative 1945.

Philomé et Sénèque Obin, figurent parmi les peintres du Centre d’Art de Dewitt Peters qui ont largement contribué à l’établissement de l’Ecole du Cap, une branche capoise destinée à former de jeunes artistes. Les œuvres de Philomé Obin, le plus connu des deux frères à cause de ses portraits du président Roosevelt, consistent en des scènes de vie quotidienne : mariage, pèlerinage, maisons de campagnes, défilé des Cacos, la crucifixion de Charlemagne Péralte. Philomé eut une influence considérable sur le jeune Sénèque qu’il initia à la peinture.

Marie-Thérèse Méhu François
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