Skip to main content
Exposition

Les Armoiries du Cap-Henry

L’Armorial définit ainsi les Armes de la Capitale : «Porte de pourpre au vaisseau d’argent rentrant dans le port ; pour tenans deux Hercules de sable armés de massues d’or». L’écu montre une mer mouvementée sur laquelle tangue un vaisseau à trois mâts s’approchant du port. Un ciel obscur domine l’ensemble. Entre le ciel et la mer se faufile un panorama naturel avec l’évocation d’un bord de mer. Debout et de face, deux Hercules drapés d’une peau de lion soutiennent le blason, à dextre, de la main gauche, à senestre, de la main droite. L’autre main tient une massue. Au-dessus du bouclier est posée la couronne royale et en dessous, défile la devise.

Dans l’Armorial, ces Armes sont placées en quatrième page après celles du roi, de la reine et du prince royal. Pour affirmer l’identité politique de la ville et sa prépondérance, les héraldistes ont opté pour une composition dramatique. Ils présentent aussi les symboles d’une propagande nationale et internationale.

Fig 12

Fig. 12 Les Armes de la Capitale
Source : Reproduction peinture, Joseph Racine Fils.

Un précurseur des Armes de la Capitale​

Les Armes de la Capitale s’inscrivent dans une démarche de rupture avec l’ordre colonial. Saint-Méry (1750-1819) affirme que sur une des façades du piédestal de la fontaine capoise ont été sculptées les armes de la ville. L’écusson du Cap-Français a-t-il suscité chez Henry Ier l’envie de créer un blason pour sa capitale ?

Voyons les similitudes entre les deux. L’un comme l’autre représente la ville adossée à une montagne. Un ciel d’azur domine le paysage terrestre et toute l’étendue de la mer. Mais, la colonie étale les symboles d’abondance et les marques des richesses tirées du travail des esclaves. Henry Ier préfère que s’affirment l’histoire et l’identité d’un peuple libre et indépendant qui s’ouvre à une modernité longtemps interdite, mais enfin, accessible.

Les héraldistes haïtiens traitent la mer, les bateaux, les montagnes, les Hercules de sable, le littoral du Cap, etc. comme des marqueurs d’identité.

Fig 13

Fig. 13 : Fontaine Cap-Français
Source : manioc.org

La Couronne

En héraldique, seuls les nobles de haut rang peuvent timbrer une couronne, c’est-à-dire la représenter au-dessus d’un blason. Emblème dynastique par excellence, elle est le témoignage de la stabilité politique d’un royaume car elle est héréditaire.

Les Armes du Cap-Henry « portent » cette couronne royale à huit fleurons, faite d’or et sertie de diamants, de rubis et d’émeraudes. Fermée et légèrement allongée vers le haut, elle a, à l’intérieur, pour en supporter le poids, un bonnet en tissu rose, comme le listel.

La couronne d’Henry Ier est fabriquée à Londres. Son coût : 7 000 guinées*. Des journalistes anglais l’ont qualifiée d’objet rare et précieux et ont loué sa beauté et sa perfection. Cet objet est orné à son sommet d’un orbe - ou sphère - surmonté d’une croisette alésée pour rappeler au souverain qu’il est le représentant sur terre du pouvoir divin.

*N.B. : La guinée unité de compte britannique, en or frappée jusqu’en 1813 valant 21 shillings, soit une livre et un shilling.

Source : Le shilling britannique

Fig 14

Fig. 14 : La couronne.
Source : Reproduction peinture, Joseph Racine Fils.

La mer et les « meubles »

La mer bleu d’azur occupe tout l’espace de l’écu, et par là, s’écarte des conventions héraldiques. Dominée par un ciel violet à l’apparence maussade, la houle pousse la frégate à l’accostage. Voilà ce qu’indiquent les trois-mâts, gréés en voiles carrées, dont les plus basses sont carguées (enroulées) pour rentrer au port. La coque du navire est très travaillée et on y distingue nettement deux rangées de volets cachant des bouches à feu.

Le navire avance en tanguant. Il semble lutter contre les forts vents de l’Atlantique. Mais, il poursuit sa course vers le port que protègent les lointaines montagnes. La ligne d’horizon se détache nettement, évoquant pour le royaume les orages déjà traversés et les dangers déjà vaincus - et ceux peut-être à venir. L’on imagine, à l’horizon, la baie et le littoral du Cap-Henry, affirmant la souveraineté du royaume sur ses eaux.

Fig 16

Fig. 15 : Le navire
Source : Reproduction peinture, Joseph Racine Fils.

Les Armes de la Capitale soulignent l’importance pour le royaume de renforcer sa marine royale en acquérant de nouveaux bateaux, pour repousser les ennemis républicains comme tout éventuel envahisseur étranger et surtout pour commercer. La flotte nomme ses possessions. L’Améthyste, Le Jason, Le Foudroyant, L’Avant-garde, La Province du Nord, etc. The Morning Post de Londres rapporte en 1808 qu’il y avait :

  • deux vaisseaux avec, pour capitaines, le baron de Villarceaux et le chevalier de Charlemagne
  • une frégate de 44 canons, commandée par les capitaines Labarrière et Champain
  • neuf (9) sloops de guerre
  • onze (11) bricks
et des goélettes pouvant transporter au moins cent hommes.

Les Armes de la Capitale illustrent les mots du Manifeste du Roi invitant les nations amies à venir par la mer établir avec le royaume du Nord des rapports fructueux et rentables.

Fig 17

Fig. 17 : HRV_CapFr_harbor_Alaux1947
Source : Gravures du Cap-Français

Fig. 18

Fig. 18 : Frégate française – vers 1800
Source : Les fregates de la marine francaise sous la révolution et l'empire 1789 - 1815

Fig. 19

Fig. 19 : Sloop
Source : Red River Ancestry

Les tenants

Le blason des Armes du Cap-Henry est soutenu par deux tenants pareils représentant Hercule, personnage musclé aux jambes massives prisé en héraldique. Mais, les héraldistes du royaume ont haïtianisé et africanisé le demi-dieu romain dont ils ont bruni la peau et changé les traits du visage. Sa massue est posée sur sa nuque. Une peau de lion léopardé dont la queue traîne par terre le revêt entièrement et lui recouvre la tête. Au royaume, pas de nudité !

Les tenants symbolisent la force, attribut du lion. Ils veillent et sont toujours prêts pour le combat dont ils savent qu’ils sortiront vainqueurs grâce à leur force surhumaine, leur courage, leur sagesse et le maniement de leur seule arme, la massue. Les qualités de ces êtres redoutables s’apparentent à ceux du monarque. Henry Ier a-t-il voulu être campé, à l’instar d’Hercule, comme le puissant protecteur de son royaume ?

Fig 20

Fig. 20 : Tenant 1
Source : Reproduction peinture, Joseph Racine Fils.

Fig 21

Fig. 21 : Tenant 2
Source : Reproduction peinture, Joseph Racine Fils.

La devise

Le liston constitue un élément central des Armes, tant par la surface qu’il occupe que par sa position dans l’ensemble. En héraldique, on nomme ce défilement de la devise terrasse. C’est la base sur laquelle reposent le blason et les tenants. Comme le bonnet de la couronne, le ruban étalant la devise écrite en lettres noires est rose avec des tonalités de mauve. Or, cette couleur optimiste n’est pas utilisée en héraldique.

La devise, MALGRÉ LES VENTS ET LES FLOTS, ramène aux réalités marines. Elle évoque les difficultés du navire qui, malgré les bourrasques, tente inéluctablement d’arriver au port. Elle renforce le message véhiculé par le blason et par les tenants armés de massues. « Malgré » s’impose. Malgré nos déboires d’Haïtiens, malgré les nombreux obstacles rencontrés sur notre chemin, nous résistons et nous avançons. Cette affirmation convient tant à la ville du Cap-Henry qu’au royaume tout entier.

Fig 23

Fig. 23 : La devise des Armes de la Capitale
Source : Reproduction peinture, Joseph Racine Fils.

Tous droits réservés ©MUSÉOFIL-HAÏTI S.A., 2020

Nos partenaires :